L’addiction est un besoin excessif et obsédant de consommer une substance ou de pratiquer une activité particulière, qui conduit à un déséquilibre émotionnel. Un comportement addictif entraine le plus souvent des conséquences psychosociales négatives sur la vie de la personne affectée. Par ailleurs, les troubles addictifs entraînent un grand nombre de maladies et de morts prématurées ; c’est pourquoi ils représentent un réel enjeu de santé publique. Pour nous, Dr Michael Temgoua, ancien vogtois, membre actif de l’association OLG90 et médecin neurologue a accepté de s’exprimer sur le fléau.
Bonjour Michael, à quoi reconnait-on une addiction ?
Une addiction, en plus d’être une habitude obsédante, se reconnait par la poursuite du comportement addictif en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives.
Quelles sont les différentes formes d’addiction ?
On distingue deux types d’addictions selon qu’elles soient liées :
• aux substances psychoactives ;
• à des activités ou des comportements spécifiques.
Parmi les addictions liées à une substance on peut citer : l’abus de tabac, la consommation excessive d’alcool, l’usage dérivé de médicaments (morphine, anti-douleurs, stimulants sexuels, anxiolytiques, etc.), le recours à des drogues illicites (cannabis, héroïne, cocaïne, etc.). Ces substances altèrent souvent la conscience ou la manière de percevoir les choses et peuvent déclencher des sensations que l’individu juge agréables. La personne qui consomme ce type de substances s’expose toutefois à des conséquences somatiques et sociales propres à chaque produit et à chacun.
D’autre part, plusieurs addictions sont en lien avec un comportement irrépressible et incontrôlé comme les jeux de hasard et d’argent, les jeux vidéo, le sexe et la pornographie, l’exercice physique, les achats compulsifs, les relations affectives toxiques avec autrui.
Quelles sont les addictions les plus répandues ?
Les addictions les plus répandues concernent la consommation : d’alcool, de tabac (y compris la cigarette électronique), des médicaments psychotropes (anxiolytiques, anti dépresseurs, somnifères) et du cannabis. La résurgence des addictions quant à la dépendance aux réseaux sociaux n’est pas non plus en reste ; la période de confinement face au Covid19 a conforté cette pensée d’après Yana Olbregts qui le démontre. (http://decodagecom.be/author/yana-olbregts/)
Quels sont les principaux facteurs de vulnérabilité ?
Le passage de l’usage simple à l’usage nocif puis à la dépendance résulte de l’interaction de facteurs personnels, de facteurs liés à l’environnement dans lequel évolue le consommateur et de facteurs propres aux substances psychoactives ingérées.
• Facteurs personnels
– La période de 15 à 25 ans est la plus propice à l’émergence des expérimentations de substances licites et illicites. Cette tranche d’âge est une période charnière et marque souvent l’entrée dans la dépendance.
– Les évènements traumatisants tes que les deuils, ruptures, maltraitances, etc;
– L’existence d’une maladie psychiatrique, ou de névroses ;
• Facteurs environnementaux
– L’éducation familiale joue un rôle important dans la prévention ou, au contraire, dans l’initiation à la consommation de certaines substances psychoactives telles que le tabac et l’alcool.
– L’influence des amis, des personnes côtoyées en milieux scolaire, les sollicitations dans des contextes festifs interviennent également pour l’initiation ou la poursuite d’une consommation de substances psychoactives.
– Un environnement stressant favorise les pratiques addictives.
• Facteurs propres à la substance psychoactive
– Certains produits ont un pouvoir addictif important. C’est le cas de la nicotine, de l’héroïne et de la cocaïne où 60 à 80 % des consommateurs deviennent rapidement dépendants.
Quelles sont les statistiques sur les addictions en Afrique et leur impact sur la santé, notamment la santé mentale ?
Selon la Croix Bleue Ivoirienne, une organisation non-gouvernementale qui travaille pour arrêter la dépendance vis-à-vis des drogues chez certains jeunes, il y a plus d’un million de toxicomanes à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. En mars 2021, une tonne et demi de cocaïne d’une valeur de 25 milliards de francs CFA avait été saisie par la gendarmerie nationale.
Si on compare le bilan des dix premiers mois de 2022 avec celui de la même période en 2021, on remarque une augmentation de plus de 200% en ce qui concerne la cocaïne », indique Ghania Mokdache pour ce qui concerne l’algérie ; le cannabis y étant la substance la plus consommée. On note également une progression dans la consommation des autres drogues à hauteur de plus 100% durant les dix premiers mois de 2022 à comparer avec la même période en 2021 », ajoute-t-elle.
Point n’est besoin de le rappeler, l’alcool est un produit de grande consommation au Cameroun. Le rapport du cabinet LV Next Century, révèle que les Camerounais ont consommé près de 600 millions d’hectolitres de bière en 2019. Toujours cette année le Cameroun est deuxième grand consommateur d’alcool en Afrique ; Selon ABK Radio, en moyenne, au Cameroun, 9 litres de boissons alcoolisées sont bues par habitant. Le Gabon en fait un peu plus que le Cameroun avec 9,1 litres par habitant.
Aujourd’hui, nous sommes pour la plupart des camarades OLG 90 dans la quarantaine. Notre tranche d’âge est-elle plus à risque aux addictions ?
La majorité des addictions concerne un public jeune et plutôt masculin. Les addictions les plus répandues concernent l’alcool et le tabac. Elles peuvent survenir à tout moment de la vie, mais la période de 15 à 25 ans est la plu à risque. Toutefois, la plupart des cas d’addictions exigent la présence de plusieurs facteurs. Il devient donc difficile de définir l’âge seul comme un facteur de vulnérabilité majeur.
Comment prévenir un comportement addictif ?
Pour prévenir les addictions l’on peut se servir de plusieurs moyens complémentaires notamment :
• L’information spécifique individuelle ou collective via les débats télévisés, récits de vie, et témoignages
• L’activité physique et le travail équilibré
• Le développement des compétences psychosociales.
Comment sortir d’un comportement addictif ?
La première étape vers la guérison est la prise de conscience du trouble par la personne et sa motivation à se soigner. La prise en charge d’un comportement addictif est pluridisciplinaire, associant souvent psychothérapie et traitement médicamenteux. Dans certains cas, l’hospitalisation est nécessaire, car le comportement addictif est trop fort pour que le patient puisse s’en sortir sans une prise en charge totale. L’importance des envies peut être telle qu’il lui est impossible de moduler et d’arrêter ses consommations hors d’un environnement protégé. Par ailleurs, l’arrêt brutal de certaines substances psychoactives peut être dangereux pour le patient, notamment au niveau cérébral. Une surveillance médicale et des traitements particuliers sont alors impératifs.
• La psychothérapie a pour objectif de travailler sur les mécanismes de l’addiction du patient, les effets du sevrage et les risques de rechute. Celle-ci peut être individuelle, et prendre la forme d’une psychothérapie de soutien ou d’une thérapie cognitivo-comportementale (TCC). La thérapie peut également être familiale ou se dérouler en groupe, selon la situation et le besoin du patient.
• La prise en charge médicamenteuse dépend du type d’addiction. Pour certaines substances, il existe des traitements de substitution, par exemple pour les opiacés et la nicotine. Il existe également des traitements visant à réduire l’envie. Enfin certains traitements peuvent être proposés pour diminuer l’impulsivité, l’anxiété ou les symptômes dépressifs qui sont des symptômes favorisant les conduites addictives. Pour autant, ces médicaments ne fonctionnent pas sur tout le monde. C’est pourquoi ils doivent obligatoirement être associés à un suivi psychologique.
Merci Michael pour cet entretien.
Propos recueillis par Armelle Viviane Ngomba, pour OLG 90.
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